Nous évoquions la perception des menstruations par les hommes et les médecins qui avait (fort heureusement) évolué dans notre guide des règles. Ce flux de sang, à travers chaque siècle, a été l’objet de mythes, croyances, préjugés allant du poison à la folie, de la mayonnaise tournée aux fleurs qui fanent. Retour sur l’histoire des règles, ou comment un tabou encore bien ancré dans notre époque a vu le jour il y a des milliers d’années.
Les mythes autour des règles, un héritage du passé
Les mythes autour des règles sont innombrables et malheureusement, ils rendent rarement justice à la magie du corps féminin. Les menstruations s’apparentent souvent à une maladie physique et mentale dont il vaut mieux se tenir à l’écart…
Les règles dans l’Antiquité
Étonnamment, il n’existe pas vraiment de tabou des règles dans l’Egypte ancienne. Les menstruations sont traitées de manière scientifique par les médecins égyptiens et auraient des vertus guérisseuses. On utilise ainsi le sang menstruel dans des onctions. Les femmes deviennent même pharaons : c’est l’avènement du girl power !
Dans la Grèce Antique, les choses se gâtent un peu pour la femme avec Hippocrate. Pour ce médecin et philosophe, le flux des règles est un moyen d’évacuer des fluides corporels trop abondants dans le corps de la femme. Le sang non évacué, toxique, déséquilibre les humeurs (liquides) et peut conduire à la folie.
Autre préjugé né à l’époque de la Rome Antique, le sang menstruel est aussi considéré comme un poison aux vertus néfastes. Pline l’Ancien dans son œuvre Histoire Naturelle accuse la femme en période de menstruation de faire aigrir le vin, enrager les chiens, mourir les abeilles.
Les religions monothéistes ont aussi largement contribué à la propagation des croyances entourant les règles. La Bible, la Torah considèrent dans leurs textes que le sang menstruel est sale. La femme indisposée est impure et doit se laver pour ôter cette souillure. Pire, une femme faisant l’amour pendant ses menstruations peut se voir punir par Dieu en donnant naissance à un enfant atteint de lèpre. L’homme qui aurait dû la fuir, quant à lui, est condamné à 10 jours de pain et d’eau.
Le corps de la femme est ainsi diabolisé, les menstruations sont sources de pêché et de folie et le cycle menstruel totalement ignoré.
Le cycle menstruel face à la science
Heureusement, l’Histoire ne s’arrête pas là. Des avancées scientifiques que l’on doit à certains médecins font enfin évoluer la connaissance du cycle menstruel et des règles ! Au 17è siècle, le docteur De Graaf fait la découverte de l’existence et du rôle des follicules ovariens. Le docteur japonais Ogino en 1924 précise enfin la période d’ovulation dont les médecins ignoraient jusque-là la datation par rapport à la menstruation. Dans le même temps, on établit pourtant que le sang menstruel produit des ménotoxines qui font faner les fleurs ou pourrir ce que la femme touche durant ses règles… Une découverte erronée qui s’appuie sur de vieux préjugés.
Les légendes ont donc la vie dure et, peu importe l’époque, les règles restent un tabou que l’on n’aime pas nommer. Les femmes ont leurs ourses, leurs lunes, leurs ragnagnas, font tourner la mayonnaise et deviennent souvent hystériques… Un héritage de l’Histoire dont on se passerait bien !
Les règles dans le monde, entre traditions et croyances
Au-delà de l’Histoire, les croyances et traditions propres à chaque pays ont influé sur la perception des règles dans le monde.
Cet état si naturel et pourtant tabou est synonyme d’exclusion et un problème de santé publique dans de nombreuses contrées. En afrique, les règles sont sources de déscolarisation pour des milliers de jeunes filles, faute d’accès à des infrastructures sanitaires nécessaires à leur hygiène menstruelle. Pas de toilettes, pas d’eau potable à disposition, mais aussi des moqueries liées à la méconnaissance du corps, des règles et à une connotation intime qui dérange.
Au Népal, malgré l’interdiction légale du Chaupadi, des femmes sont encore exclues du village et mettent leur santé en danger, car les menstruations sont, dans l’Histoire, considérées comme sales et impures.
En Inde, lors des menstruations, l’accès à la cuisine, au lit conjugal, à la vie commune, au temple est interdit dans certaines castes.
Les préjugés liés à la vie maritale ou à la nourriture durant les règles ont la vie dure en Afghanistan également. En outre, sang menstruel et eau ne font pas bon ménage. Leur entrée en contact provoquerait la stérilité.
Les protections hygiéniques dans l’Histoire
Entre culotte menstruelle, cup, serviettes et tampons hygiéniques, nous avons aujourd’hui l’embarras du choix des protections qui absorberont le sang de nos règles. Mais comment faisaient nos grands-mères et nos ancêtres du siècle précédent ?
On rapporte que les femmes de l’époque égyptienne utilisaient une sorte de tampon fait de bois et de compresses de lin, leur servant à la fois pour retenir le flux menstruel et comme contraception. Les éponges de mer ont également servi de protections naturelles durant les menstruations.
L’ancêtre de la culotte menstruelle ou de la serviette hygiénique, ce sont évidemment ces linges que l’on glissait dans sa culotte pour éviter les taches et le flux de sang sur les vêtements. Avant cette méthode pratiquée à partir du début du 20è siècle, la ceinture menstruelle nouée à la taille retenait des bandes de tissus de coton ou de laine grâce à des épingles. Elle se démocratise à la fin du 19è siècle, avant l’époque des premières protections hygiéniques jetables.
C’est en 1937 que le docteur Haas commercialise le premier Tampax aux États-Unis, alors que la cup menstruelle arrive sur le marché en 1930. Néanmoins cette invention de Leona Chalmers, moins rentable et plus «osée » que les tampons jetables avec applicateur ne rencontre aucun succès. Il faudra attendre le 21è siècle pour qu’elle se démocratise enfin, et 1969 pour voir les premières serviettes hygiéniques jetables agrandir le choix des protections destinées à nos menstruations.
Si nous sommes désormais loin des légendes bibliques ou issues de l’Antiquité, il reste du chemin à parcourir pour que les règles retrouvent leur véritable place. Il faudra toute la détermination de la jeune génération et une communication qui s’affiche partout pour enfin rendre cet état naturel… naturel. L’histoire des règles est loin de toucher à sa fin !
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